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A LA UNE

Le yoga au musée

Auteur: 
PRIOUL Sylvie

Par Sylvie Prioul, professeure IFY


Notre discipline s’expose au Musée national des Arts asiatiques-Guimet jusqu’au 2 mai sous l’intitulé : « Yoga, ascètes, yogis, soufis » Dans la pénombre de la rotonde du musée, statues et miniatures nous font pénétrer dans l’univers des ascètes indiens.



Patañjali nous accueille dans la première vitrine (statuette en bronze du XIXe siècle) dressé sur sa queue ophique, les mains jointes ; non loin de lui, une statue en bronze de Bhairava, forme terrifiante de Shiva, date elle du XIe siècle. Ce dieu ascète, retiré au sommet du mont Kailash, est un maitre du yoga, qu’il enseigne à sa parèdre, Parvati. Mais c’est dans une activité quotidienne qu’ils sont tous deux représentés sur une des miniatures exposées, assis sur une peau de tigre, en train de préparer le bhang (préparation comestible de cannabis) (illustration à droite). On retrouve le Grand yogi (Mahayogi) sur une gouache XVIIIe siècle : assis jambes croisées sur une peau d’antilope, la chevelure ramassée en chignon et ornée du croissant de lune, le troisième œil bien visible sur son front, il offre l’image du méditant plein de sagesse. 

Cette image contraste avec les représentations de yogis se livrant à des austérités. En marge du monde, seuls ou en groupe, les renonçants fascinent par leurs pratiques extrêmes. Le mot tapas, premier aspect du kriya yoga, peut vraiment dans ce cas être traduit, comme le fait Michel Angot (sanskritiste et traducteur du Yoga-sûtra), par « mortification ardente » : on sent dans ces dessins la tension des corps, le défi physique que représentent certaines postures (à gauche, un yogi nu, le corps couvert de cendres, effectue ce qui ressemble à la posture du poisson, matsyasana). Parfois ce n’est pas la posture en elle-même qui est difficile, mais le fait de la tenir très longtemps, parfois des années… L’un des dessins présentés, extrait d’un ouvrage de la fin du XVIIIe siècle sur les « Coutumes des hindous », montre ainsi un « Ascète au bras levé » : ce bras levé est décharné et la main se termine par des ongles devenus au fil du temps des griffes recourbées.

Une des pièces les plus intéressantes est un grand panneau peint, datant du premier quart du XVIIe siècle, découvert par Ysé Tardan-Masquelier : y sont représentés des « Ascètes et yogis se livrant à à divers exercices de yoga » de façon particulièrement vivante et détaillée ; l’ensemble forme une sorte de catalogue de postures. L’arrivée de ce panneau dans les collections du cabinet de curiosités de la bibliothèque Sainte-Geneviève prouve l’intérêt porté par les Occidentaux à ces pratiques corporelles venues de l’Inde.

Signalons encore une magnifique gouache qui s’inscrit dans la tradition tantrique et révèle « Le Corps subtil du yogi » : sur le corps bleu du yogi sont dessinés des cercles (cakra) ornés de pétales à l’intérieur desquels on distingue diverses divinités.

Enfin, l’exposition permet d’aborder un aspect moins connu du yoga, qui est son lien avec le monde musulman. Dès le Xe siècle, le Yoga-sûtra de Patañjali est traduit en arabe par al-Biruni et, vers la fin du XVIe siècle, en persan, ce qui témoigne d’un fort intérêt pour la philosophie et les techniques yogiques.
C’est dans les années 1550 qu’un éminent cheik soufi proche de la cour moghole – les Moghols règnent alors sur le nord de l’Inde – entreprend la compilation d’un traité sur le yoga en se fondant sur une traduction arabe d’un texte sanskrit aujourd’hui perdu : l’Amrtakunda. Sous le titre « L’Océan de vie », ce texte est accompagné de gouaches aux couleurs délicates réalisées par les peintres moghols. Dans le quatrième chapitre, le maitre soufi a choisi, décrit en détail et commenté vingt et un asanas. Dans l'illustration de gauche, un yogi pratique la rétention du souffle (kumbhaka) à la lisière de la forêt.

Ce sont les plus anciennes représentations picturales aujourd’hui connues de postures de yoga et ce sont ces dessins, de petite dimension, fragiles, que l’on peut admirer au Musée Guimet.





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Auteur: 
BRUNEAU CHRISTEL

Par Christel Bruneau, professeure IFY